La consommation de substances par voie anale, souvent appelée « booty bumping », est un sujet peu discuté et peu étudié lorsqu’on traite de PnP ou chemsex. Lors de la pratique du « booty bumping », le tabou de la consommation de substances croise le tabou du sexe anal, et par conséquent cette méthode de consommation n’est souvent abordée que dans les espaces PNP et par les organisations 2SLGBTQ+. Or, le « booty bumping » n’est pas exclusivement « un truc de gai ».
Qu’est-ce que le « booty bumping » exactement ? Le « booty bumping » est la méthode de consommation qui consiste à dissoudre la substance dans l’eau, à la mettre dans une seringue ou un injecteur de lubrifiant, puis à insérer la seringue dans l’anus. Il est important de noter que le « booty bumping » ne concerne que les substances solubles dans l’eau comme le crystal ou le crack, et non les substances comme le GBL, qui peut endommager la muqueuse du rectum, et l’héroïne qui doit être dissoute dans un acide.
Certaines idées circulent voulant que le « booty bumping » puisse être considéré comme une forme de préservation des veines pour les personnes qui aiment généralement s’injecter des substances. La préservation des veines consiste à déplacer les zones d’injection afin de protéger les veines de l’affaissement et de leur donner une chance de guérir entre les séances de consommation. Puisque le tissu de l’anus est idéal pour absorber les nutriments et les faire passer dans le sang, le « booty bumping » est similaire à l’injection dans la mesure où les effets se font généralement sentir en cinq à dix minutes. Cela signifie que cette pratique pourrait être une alternative qui permet aux gens de consommer, en ayant une expérience similaire, tout en donnant à toutes leurs veines un moment de répit.
Le « booty bumping » est une pratique qui associe la consommation de substances et la sexualité et qui est liée au sexe anal. Puisque c’est un thème souvent ignoré et peu étudié, il n’existe pas beaucoup d’études sur ses effets à long terme ou sur les complications qui peuvent survenir. Cela ne veut pas dire que le « booty bumping » ne peut pas être amusant et pratiqué de la manière la plus sûre possible, mais je tiens à préciser que nos connaissances scientifiques sur le « booty bumping » sont, disons, quelque peu limitées.
Alors, disons que je veux essayer le « booty bumping » ; quelles sont les choses que je devrais garder à l’esprit ?
C’est une excellente question. Il y a plusieurs choses que nous pouvons faire avant d’essayer le « booty bumping » pour la première ou même les quelques premières fois.
Tout d’abord, que peut-on consommer en pratiquant le « booty bumping » ?
Tout ce qui est soluble dans l’eau et sous forme de poudre comme la cocaïne ou le crystal meth. Les substances qui doivent être dissoutes dans de l’acide, comme l’héroïne, ou celles qui provoquent des brûlures, comme le GBL, ne doivent pas être consommées par voie anale. Pour ce qui est du GHB, il est préférable d’éviter de le consommer par voie anale, car il arrive parfois que les gens se procurent du GBL en pensant qu’il s’agit de GHB, et vous ne voudriez certainement pas vous brûler le rectum.
Quels outils dois-je utiliser si je veux faire du « booty bumping »?
L’une des meilleures options est d’utiliser une seringue d’injection de lubrifiant. Elles sont lisses et conçues pour aller dans l’anus. De plus, si vous achetez celles dont l’extrémité est munie d’un capuchon, vous pouvez mélanger votre substance dans la seringue directement en gardant le capuchon et en retirant le piston. Assurez-vous simplement, lorsque vous remettez le piston en place, à retourner la seringue vers le haut, à retirer soigneusement le capuchon et à faire sortir l’air supplémentaire. Cela peut demander un peu d’entraînement, alors essayez plusieurs fois avec de l’eau jusqu’à ce que vous ayez le tour. De cette façon, vous ne gaspillerez pas votre substance.
Ces seringues peuvent être achetées en ligne et dans les sex-shops locaux. Elles sont également distribuées dans le cadre de certains programmes de réduction des méfaits (le programme Tea 2 Go de MAX les offre gratuitement avec du lubrifiant, de l’eau stérile et un guide d’instructions en anglais et en français).
À part la seringue, il faut beaucoup de lubrifiant pour l’aider à entrer en douceur et éviter toute sorte de friction sèche ou de déchirure. En cas de déchirure et de saignement, il est préférable d’arrêter, d’attendre environ une semaine pour la guérison et de réessayer.
Quelle quantité de substance dois-je utiliser si je fais du « booty bumping » pour la première fois ?
C’est la question à 100 000 $ et il n’est pas facile d’y répondre. Comme chaque personne est différente et a une tolérance différente, il est difficile de donner des indications sûres à cette question plutôt fréquente. Ce que je peux dire, ce sont deux choses : commencez par ce que vous considérez comme une petite quantité, et attendez-vous à ce que la première fois ne soit pas la meilleure expérience. Au fur et à mesure que vous apprendrez comment vous réagissez au « booty bumping », vous pourrez augmenter la quantité et trouver celle qui vous convient le mieux. Cela me rappelle mon expression préférée concernant la consommation de substances : « On peut toujours en prendre plus, mais on ne peut pas en prendre moins ».
Comment faire du booty bump?
Tous nos kits sont livrés avec des instructions si vous avez besoin de les avoir à portée de main. Sinon, pour les curieux, voici notre guide d’instruction.
1
Bien se laver les mains. Retirez du sachet la seringue, l’eau stérile et le lubrifiant et placez-les sur une surface propre.
2
Dissoudre la drogue de votre choix dans l’eau stérile ou dans de l’eau que vous aurez fait bouillir auparavant et refroidir pour ne pas irriter les parois de votre rectum.
* Tu peux faire le mélange directement dans la seringue.
** Laisse le capuchon sur la seringue afin de ne pas perdre de drogue.
3
Étend du lubrifiant sur ton anus
4
En tenant la seringue capuchon vers le haut, enlève ce dernier et applique du lubrifiant sur le bout de la seringue. Appuie sur la seringue à l’aide du piston (la partie que tu pousses pour que la drogue sorte de la seringue) afin de tirer l’air de la seringue.
5
Trouve une position confortable où tu peux avoir accès à ton anus. Le faire debout fonctionne bien. Tu peux également te coucher sur le côté. Évite de t’accroupir (squat) afin de ne pas perdre de drogue accidentellement après ton injection.
6
Utilise ton index et ton majeur sur les poignées au bas de la seringue et le pouce sur le piston.
7
Insère la seringue doucement dans ton anus afin d’éviter des déchirures.
8
Dès que tu sentiras tes doigts sur ton anus, pousse le piston avec ton pouce jusqu’au bout afin de vider la seringue.
9
Attends une minute avant de retirer la seringue et la jeter à la poubelle. Il est préférable de contracter son anus après l’injection. Imagine que tu retiens un pet.
10- Lave bien tes mains afin d’éviter d’être en contact avec certaines bactéries comme la shigellose et la giardiase.
D’autres conseils pour les débutants ?
Absolument. Voici quelques conseils tirés de notre guide qui est fourni avec chacun de nos kits de « booty bumping » :
- Si c’est votre première fois, essayez de le faire premièrement avec de l’eau uniquement. De cette façon, si vous en renversez ou si vous manquez votre coup, vous n’aurez pas gaspillé de substances.
- Si vous n’avez jamais fait de douche anale auparavant, la sensation de l’eau dans votre cul peut être bizarre, ou froide. Si elle est trop froide, prenez les récipients d’eau stérile pendant quelques minutes dans vos mains pour les aider à se réchauffer, car l’eau très froide peut provoquer des crampes.
- Si c’est votre première fois, ou si vous utilisez un nouvel approvisionnement, commencez doucement et allez-y doucement. Vous pourrez toujours en prendre plus, mais vous ne pourrez pas en prendre moins.
- Attendez au moins une heure entre les doses pour voir comment les substances vous affectent.
- Le « booty bumping » peut entraîner une absorption plus rapide et plus efficace des substances, ce qui signifie que vous pourriez sentir qu’elles ont un effet beaucoup plus intense.
- Le fait d’introduire des substances dans votre cul sans les dissoudre dans de l’eau, le « dabbing », ou d’envelopper des substances dans du papier à rouler avant de les insérer, le « stuffing », peut endommager votre muqueuse rectale, c’est pourquoi ces pratiques ne sont pas recommandées.
- Essayez de consommer avec des personnes en qui vous avez confiance ; prenez soin les uns des autres !
- Ayez toujours du Naloxone sur vous.
Et si j’ai envie d’être passif après avoir fait du « booty bumping »?
Tu peux tout à fait le faire. Il y a toutefois certaines choses à prendre en compte quand on a des relations sexuelles après le « booty bumping ».
- Laissez passer un certain temps, environ 60 à 90 minutes, entre la consommation et les rapports sexuels. Vous devez laisser votre corps absorber la substance avant le sexe. Parfois, de petits morceaux de la substance peuvent rester dans votre cul et ils peuvent être irritants, donc avoir des rapports sexuels tout de suite pourrait provoquer une irritation ou de petites déchirures.
- Si vous êtes passif après avoir fait du « booty bumping », essayez d’utiliser beaucoup de bon lubrifiant pour éviter les déchirures. Les préservatifs peuvent également être utiles pour prévenir la transmission des ITSS, du VIH et de l’hépatite C si des déchirures se produisent.
- Les substances peuvent parfois insensibiliser votre cul, alors soyez prudent lorsque vous êtes passif. Ce n’est pas parce que vous ne sentez rien qu’il n’y a pas de lésions.
- Le « booty bumping » peut provoquer des hémorroïdes, des douleurs rectales et des saignements. Si vous êtes passif, gardez cela à l’esprit, car ceci peut augmenter la transmission et l’acquisition d’infections.
- Si vous souhaitez pratiquer le fisting après le « booty bumping » prenez les mêmes précautions que celles énumérées ci-dessus, et faites très attention aux effets anesthésiants, surtout si c’est la première fois que vous pratiquez le fisting. Vous voudrez peut-être attendre et essayer le fisting sans utiliser de substances afin de mieux évaluer ce que vous ressentez et de déterminer quelles sont vos limites. Le fisting, tout comme le booty bumping, est plus un art qu’une science cela peut prendre un certain temps avant que vous ne sachiez ce qui fonctionne le mieux pour vous.
Tout cela étant dit, le « booty bumping » peut être une nouvelle façon amusante de consommer si c’est quelque chose que vous souhaitez essayer. Espérons qu’à l’avenir, nous commencerons à être témoins de plus de conversations et de recherches sur cette pratique, ce qui apportera plus de réponses aux nombreuses questions que peuvent se poser les nouveaux adeptes de cette méthode de consommation . Malheureusement, étant donné que le « booty bumping » est lié à l’anus, il risque d’être confronté à l’homophobie qui accompagne souvent tout ce qui a rapport aux culs des hommes.
Finalement, si les gars 2SGBTQ doivent ouvrir la voie à des conversations sur le « booty bumping », alors faisons-le avec enthousiasme et de la même façon que pour tout ce qui est gai et non reconnu par les pouvoirs conventionnels ; parlons-en !
*Traduction libre.
Mat Adam (Il/Lui)
Coordonnateur des Programmes en réduction des méfaits